Une réforme importante du seuil d’aménagement des peines est entrée en vigueur le 24 mars 2020 ensuite de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice promulguée le 23 mars 2019.
Plusieurs conséquences peuvent être tirées de cette réforme concernant l’aménagement des peines :
- Moins d’1 mois d’emprisonnement : interdiction de prononcer une peine ferme,
- Entre 1 mois et 6 mois d’emprisonnement : aménagement obligatoire sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné,
- Entre 6 mois et 1 an d’emprisonnement : aménagement facultatif,
- Au-delà de 1 an d’emprisonnement : plus aucun aménagement possible, alors qu’auparavant une peine ferme était aménageable jusqu’à deux ans hors récidive et jusqu’à un an en cas de récidive.
Confrontés à ce bouleversement, les professionnels du droit se sont interrogés sur réforme : applicable aux procédures en cours ou seulement aux procédures dont les faits poursuivis ont été commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 mars 2020 ?
La Cour de cassation a tranché cette question lors d’un arrêt n°2030 du 20 octobre 2020 remarqué estimant que :
Les dispositions de l’article 74 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 qui interdisent désormais l’aménagement des peines d’emprisonnement ferme comprises entre un et deux ans se rapportent au régime d’exécution et d’application des peines et obéissent aux règles définies par l’article 112-2 3° du Code pénal. Ayant pour effet de rendre plus sévères les peines prononcées, elles ne sont donc applicables qu’aux condamnations relatives à des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.
Aussi, il importera de se référer à la date des faits commis pour savoir si la réforme du seuil d’aménagement des peines fermes comprises entre un et deux ans est applicable :
- Les faits commis avant le 24 mars 2020 resteront régis sous l’empire du droit ancien et une peine ferme sera aménageable jusqu’à deux ans hors récidive et jusqu’à un an en cas de récidive,
- Les faits commis après le 24 mars 2020 seront régis sous l’empire du droit nouveau et au-delà de 1 an d’emprisonnement, plus aucun aménagement ne sera possible.
Textes :
Article 132-19 du code pénal (modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 74) :
« Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme ou assortie en partie ou en totalité du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Elle ne peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois.
Toute peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate.
Dans ce cas, si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues à l'article 132-25. Dans les autres cas prévus au même article 132-25, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.
Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l'article 464-2 du code de procédure pénale.
Conformément à l’article 109, XIX de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur un an après la publication de la présente loi. Les peines de contrainte pénale prononcées avant cette date s'exécutent jusqu'à leur terme conformément aux dispositions applicables au jour de leur prononcé, sous la réserve que les attributions confiées en application de l'article 713-47 du code de procédure pénale au président du tribunal judiciaire ou au juge désigné par lui sont exercées par le juge de l'application des peines. »
Article 132-25 du Code pénal (modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 74) :
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine inférieure ou égale à six mois d'emprisonnement, un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire et lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou lorsque la juridiction prononce une peine pour laquelle la durée de l'emprisonnement restant à exécuter à la suite d'une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, ordonner que la peine sera exécutée en totalité sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur.
Si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, elle doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur. »
Article 132-26-1 du Code pénal ancien (abrogé par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 74 et modifié par LOI n°2009-1436 du 24 novembre 2009 - art. 66) :
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, elle peut décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime du placement sous surveillance électronique à l'égard du condamné qui justifie :
1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d'un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;
2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;
3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;
4° Soit de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.
Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an.
La décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du prévenu préalablement informé qu'il peut demander à être assisté par son avocat, le cas échéant désigné d'office par le bâtonnier à sa demande, avant de donner son accord. S'il s'agit d'un mineur non émancipé, cette décision ne peut être prise qu'avec l'accord des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. »
Sources :
- Arrêt n°2030 du 20 octobre 2020 (19-84.754) - Cour de cassation - Chambre criminelle :
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2030_20_45736.html
- Article sur le site Dalloz : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/loi-abaissant-seuil-de-l-amenagement-de-peine-un-application-aux-situations-en-cours-ou-aux-se#.X6MCH1B7nb0
- Article 132-19 du Code pénal :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038313376/
- Article 132-25 du Code pénal :
- Article 132-26-1 du Code pénal ancien :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021330936/2009-11-26